Lors de l’Assemblée Générale de RFI du 25 juin 2010, j’ai fait en tant que secrétaire du Comité d’entreprise une déclaration en forme de lettre ouverte aux Administrateurs, soutenue par les organisations syndicales SNJ, FO, SNJ-CGT, SNRT-CGT, dont vous trouverez copie ci joint :
« LETTRE OUVERTE AUX ADMINISTRATEURS DE RFI
Les informations portées ces dernières semaines à la connaissance du Comité d’Entreprise et du Conseil d’Administration nous conduisent à vous faire part de nos plus vives inquiétudes sur la très grave situation dans laquelle se trouve aujourd’hui RFI. Moins de deux ans après sa nomination, la direction affiche en effet un bilan calamiteux, tant sur le plan financier que celui des réformes proposées dans la plus grande improvisation. Récemment la direction affirmait encore, à grand renfort de déclarations, que sa mission consistait à procéder au « redressement » et au « sauvetage » de RFI.
Sur le plan financier, les comptes de l’exercice 2009 qui sont soumis à votre approbation révèlent que, durant la première année pleine de son mandat, la direction a creusé un déficit de 28,2 millions d’euros, le déficit le plus important de toute l’histoire de RFI. Pourtant, à son arrivée, cette même direction avait affiché sa ferme intention de lutter contre ce qu’elle prétendait être une « culture du déficit ».
Le plan social aura coûté près de 40 millions d’euros, sans compter les nombreux départs négociés ou contraints de directeurs hors plan social. Pourtant, ce n’était pas le chiffre annoncé aux Tutelles dès le départ : en Comité d’Entreprise, la direction avait annoncé un coût estimé à une vingtaine de millions d’euros.
La direction affirme que l’Etat prendra à sa charge le financement du plan social. L’examen des comptes 2009 démontre que, pour le moment, c’est le budget de RFI qui supporte ce lourd fardeau financier avec le risque de plomber, pour longtemps, les comptes de l’entreprise. Le remède de choc administré à RFI par la direction se révèle bien pire que le mal.
La direction de RFI avait déjà obtenu de l’Etat une première recapitalisation, en 2009, à hauteur de 16,9 millions d’euros. Mais celle-ci n’a servi à rien. Les comptes de l’entreprise sont plus que jamais dans le rouge. Elle affirme aujourd’hui que l’Etat procèdera à une nouvelle recapitalisation mais refuse d’en préciser l’échéance.
Dans ce contexte, n’est-il pas inquiétant de constater l’absence de signature du Contrat d’objectifs et de moyens 2009-2013, prévu dans la loi du 5 mars 2009 ? Cette signature depuis lors régulièrement annoncée comme « imminente » est toujours repoussée. C’est pourquoi nous demandons solennellement aux administrateurs représentant l’Etat une déclaration formelle sur la réalité de cette recapitalisation, sur son montant et sur son échéance. Mais aussi sur l’état exact des négociations concernant l’élaboration d’un COM dont l’absence pénalise lourdement RFI en la privant de toute garantie de ressources pluriannuelles et chiffrées, de toute visibilité à court et moyen terme.
La soi-disant stratégie voulue par la direction est dangereuse et suicidaire. Elle se résume à réduire RFI, la radio qui se disait mondiale, à la seule dimension d’une radio à destination quasi exclusive de l’Afrique. Le projet de réorganisation de l’information que la direction tente aujourd’hui d’imposer comme un projet ambitieux, n’est en réalité qu’un projet ressorti du placard où il avait été remisé il y a plusieurs années parce que non viable. Un concept baptisé à l’époque « régionalisation ».
Personne ne conteste que les fortes positions de RFI sur le continent africain doivent être maintenues et développées. Notre radio y compte, il est vrai, une très grande partie de son audience francophone. Mais se recentrer exclusivement sur ce continent comme le souhaite la direction, c’est prendre le risque de connaître bien des déconvenues. La mise en œuvre d’une telle réforme consacrerait l’abandon, par RFI, de son statut de radio internationale dont la mission est de diffuser au plus grand nombre une « vision française de la marche du monde » en référence aux orientations pourtant réaffirmées régulièrement par nos tutelles. Elle s’inscrirait en contradiction flagrante avec l’objectif énoncé par le Président de la République lui-même qui, parlant des sociétés composant l’AEF lors de sa création affirmait : « Il ne s’agit pas de faire moins, mais plus et mieux ».
Dès lors, comment croire que nos tutelles, notre Conseil d’Administration, valideraient, l’abandon par RFI de toute présence, de tout réel développement sur des continents comme l’Amérique Latine ou l’Asie, par exemple, au moment même où, à l’instigation du Président de la République, notre diplomatie déploie d’importants efforts pour accentuer, notamment dans ces deux parties du monde, le rayonnement politique, économique et culturel de la France ? Le développement de RFI sur internet, essentiel à nos yeux, ne peut être le seul vecteur de diffusion pour les rédactions de langues étrangères. Pour exemple le site de RFI en chinois a déjà été censuré à plusieurs reprises. Devant ce manque flagrant de stratégie d’avenir cohérente et pertinente, il est temps que les pouvoirs publics prennent le relais pour débattre enfin sérieusement des orientations de l’AEF et de RFI en particulier. La mise sur pied d’une mission d’information parlementaire sur RFI et étendue à l’AEF, promise il y a quelques mois par la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, apparait désormais urgente, elle pourrait constituer le cadre au sein duquel cette nécessaire réflexion serait enfin menée.
Déjà discréditée aux yeux d’une grande majorité du personnel en raison de méthodes de management brutales, d’une volonté de briser tout dialogue social au sein de l’entreprise, d’une stratégie réduite à de simples effets de communication, d’une gestion financière chaotique, la direction conduit RFI dans l’impasse.
Derrière son projet de réduction de la voilure, se profile un autre objectif inavoué mais patiemment élaboré : miser avant tout sur le développement de la télévision au détriment de la radio, en clair privilégier France 24 au détriment de RFI et créer ainsi les conditions d’un nouveau plan social. Comment construire un audiovisuel fort avec une radio affaiblie ? Comment imaginer une collaboration, des transversalités, des synergies entre France 24 et RFI, quand la direction ne cesse de dresser un rideau de fer entre les sociétés qui constituent l’AEF. Si ça va mal à RFI, ça ne peut aller bien à l’AEF.
Face à un tel gâchis, les organisations syndicales signataires – SNJ, FO, SNJ-CGT, SNRT-CGT – en appellent à la responsabilité des administrateurs représentant l’Etat, et plus largement à celle de nos tutelles, afin qu’ils tirent les conséquences de ces actes. »